Modèles et environnements numériques pour la conception en architecture

Coordinateur : François Guéna
 

Le deuxième axe de recherche a pour objet l’assistance informatique à la conception en architecture, urbanisme et paysage. Il s’agit de développer des environnements numériques d’assistance à la conception adaptés aux spécificités de ces domaines et de produire des connaissances sur l’activité cognitive liée à l’usage de ces outils.

Les objectifs définis dans cet axe sont issus des résultats apportés par les différents travaux de recherche accumulés, depuis de nombreuses années, par les équipes qui composent le laboratoire.

Trois sous thèmes sont distingués : les assistances aux activités cognitives de la conception dans les phases précoces du processus de conception, les assistances aux activités collectives de conception et enfin, la simulation et l’évaluation du projet en vue de sa réalisation.

Assistances aux activités cognitives de la conception
François Guéna (MAP-Maacc), Caroline Lecourtois (MAP-Maacc), Daniel Léonard (Map-Crai), Xavier Marsault (MAP-Aria), Renato Saleri (MAP-Aria)

Les assistances informatiques aux activités cognitives de la conception architecturale sont ici abordées suivant trois thèmes : l’esquisse architecturale assistée par ordinateur, les processus génératifs pour l’aide à la conception et à la décision et, l’appropriation des outils numériques par les architectes et ses conséquences sur l’activité cognitive de la conception.

Les activités cognitives de la conception architecturales, urbanistiques ou paysagères en question, sont celles généralement mises en oeuvre par le ou les architectes dans les premières phases du processus de développement du projet autrement nommées, phases précoces du projet. Au contraire d’autres moments plus en aval dans l’activité de projet, ces premières phases de l’activité de conception sont rarement assitées par l’informatique. Malgré la revendication de quelques rares architectes d’un usage précoce des outils numériques, les architectes continuent, comme par le passé, à utiliser le crayon et le papier pour produire leurs premières esquisses. La question des possibles assistances informatiques des activités cognitives des phases précoces de l’étude d’un projet s’impose donc d’elle-même.

Esquisses architecturales assistées par ordinateur. En conséquence de ce qui précède, ce projet de recherche vise à développer des interfaces de modélisation précoce du projet à partir de son expression graphique naturelle, à main levée.

Peut-on construire des interfaces capables d’interpréter des croquis axonométriques ou perspectifs dessinés à main levée en vue d’en reconstruire un modèle en 3D ? est la question initiale de ce projet.

Plusieurs techniques ont déjà été envisagées mais la plupart d’entre elles ne traitent que les projections axonométriques et utilisent des heuristiques fondés sur la conservation du parrallélisme ou de l’orthogonalité entre certains éléments projetés et leurs correspondants dans l’objet à reconstruire. Pour aller plus loin et permettre l’interprétation de croquis perspectifs, plusieurs techniques sont envisageables : l’utilisation de résolveurs de contraintes géométriques ou encore l’exploitation de représentations duales des projections.

Une autre manière d’assister la modélisation précoce consiste à chercher à reconnaître des opérations de conception à partir de l’interprétation de traces graphiques effectuées à main levée. Cette assistance paraît possible à partir d’une organisation des connaissances produites sur l’activité cognitive de la conception et sur les techniques informatiques issues de l’intelligence artificielle comme les systèmes multi-agents ou les chaînes de markov. Il s’agira de produire un nouveau système informatique qui permettra l’interprétation des séquences d’évènements graphiques.

Ces assistances aux activités cognitives de la conception seront également approchées à partir du postulat selon lequel l’esquisse serait la synthèse de contraintes primordiales exprimées par le concepteur. La gestion de contraintes géométriques dans l’élaboration de modèles architecturaux peut être abordée à travers la problématique de l’utilisation d’éléments standard en architecture. Il s’agira, par exemple, d’interroger les moyens informatiques d’exploration morphologique en fonction d’éléments standards et de proposer une approche typologique d’assistance à partir d’éléments de longueur constante. La méthode employée s’appuierait sur l’usage de la modélisation paramétrique associée à des algorithmes permettant la résolution de contraintes. Il s’agira de développer des techniques de simulation inverse grâce auxquelles l’architecte pourra préciser ses objectifs en termes de contraintes sur la longueur des éléments de manière à ce que le système lui propose des formes les satisfaisant.

Les sciences de l’ingénieur seront aussi exploitées en vue d’être « adaptées » aux pratiques de la conception architecturale. La question majeure que soulève une telle convocation concerne l’accessibilité aux architectes des outils de calcul ou de modélisation des ingénieurs. L’analyse dimensionnelle et les lois de similitude sont, par exemple, des outils théoriques utilisés en modélisation physique par les ingénieurs pour, notamment, l’élaboration de modèles réduits (aviation, génie civil). L’analyse dimensionnelle adaptée à l’architecture permet d’informer précocement sur les conséquences physiques de choix de conception. De telles applications peuvent être développées relativement au comportement mécanique de structures à des fins d’optimisation : pré dimensionnement ou détermination de valeurs limites. De même, la statique graphique qui a influencé la conception de structures jusqu’à la moitié du XXème siècle (avec, notamment, les disciples suisses de Culmann, Robert Maillart, Heinz Isler), combinée aux nouveaux systèmes numériques de géométrie dynamique et interactive, suscite de nouvelles investigations en vue de participer du développement de systèmes numériques d’assistance à la morphologie de l’architecture.

Processus génératifs et complexes pour l’aide à la décision. Devant la complexité croissante de nos écosystèmes artificiels, nous élaborons – pour les phases de conception architecturale, urbaine et plus largement en aménagement du territoire ou dans le domaine de la conception de produits – des dispositifs capables d’assister le concepteur à l’élaboration de solutions formelles et fonctionnelles.

Nous pouvons énumérer deux préoccupations convergentes :

    • la construction d’images mentales (objets à penser) pour l’intégration d’une dimension phénoménologique de la représentation (sérendipité – apophénies, etc.). L’assistance par les outils numériques permet aujourd’hui de dépasser la simple restitution de l’objet imaginé; les outils numériques ne se comporteraient alors que comme des outils de dessin suréquipés, présupposant autant la maturité du projet que celle de son concepteur. On désire dépasser le stade de la représentation univoque, conceptuellement unidirectionnelle pour imaginer des dispositifs aptes à traiter les contraintes de façon convergente (ou parallèle) et non plus, comme c’est le cas traditionnellement, de façon séquentielle ;
    • l’(in)sistance au processus créatif (une assistance insistée) en complément de la relation dialogique entre l’objet et son concepteur (accompagnement d’une pensée visuelle). L’insistance au processus créatif vient compléter la panoplie d’outils aptes à accompagner la pensée visuelle (sketching), éminemment mobilisée par les architectes. Celle-ci se prévaut d’un raisonnement souvent analogue au cours duquel le concepteur puise dans sa mémoire et en actualise la portée par l’utilisation de schémas produits ou choisis. S’instaure alors une forme de dialogue entre le concepteur et l’objet, dialogue entretenu précisément par la validité évocatrice des signes utilisés et capables d’ouvrir l’horizon de l’imaginaire.

Qui ont pour objectif :

    • de favoriser l’émergence d’un « inattendu » capable de nourrir en retour le processus créatif (faire penser à, sérendipité). En agissant sur le « germe » de l’objet et en multipliant virtuellement à l’infini son expression, nous souhaitons en mobiliser sa dimension phénoménologique, en faisant surgir un inattendu capable de renouveler en continu le ressort créatif de l’utilisateur. Nous nous référons au « voir comme » de Donald Shön dans lequel il est question de re-focaliser de manière récursive l’intention créative de l’utilisateur en introduisant la notion d’hyper-projet. Ici, on s’intéresse encore à l’évaluation en situation de conception de la portée créative des outils génératifs proposés (objet du projet ANR « Eco Conception Générative », en collaboration le laboratoire de sciences cognitives CODISANT) ;
    • d’intégrer la résolution de contraintes multi-échelles en arrière-plan du processus de conception. Il n’est pas question de radicaliser l’approche cognitive propre au processus de conception. Il se fonde souvent – nous l’avons évoqué – sur une pensée visuelle et un raisonnement analogue qui sont bien ancrés dans l’arrière plan cognitif de l’architecte. Le problème étant que la résolution des contraintes du projet est souvent traitée en « butée » au processus créatif, ce qui est vécu la plupart du temps comme un « élagage » progressif des intentions créatives initiales. Il s’agit plutôt d’imaginer – et c’est l’objet du projet de recherche – les dispositifs capables d’intégrer la résolution des contraintes de façon synchrone et transparente pour le concepteur.

Pour cela, et depuis sa fondation le MAP s’intéresse aux capacités de l’informatique « bio-inspirée » pour la résolution de problèmes multidimensionnels souvent rencontrés dans les processus de conception ou les processus décisionnels. Il développe des méthodes et des outils génératifs d’aide à la décision, utilisant entre autres des techniques d’optimisation multicritères avec contraintes. Des algorithmes inspirés par des systèmes naturels – algorithmes génétiques (biologie de l’évolution), algorithmes de colonies de fourmis (éthologie) – sont convoqués et pour faciliter l’émergence de familles de solutions optimisées lors de la mise en interaction de systèmes multi-critères (exemples : modélisation géométrique du bâti, optimisation d’une organisation de voirie, optimisation de performances pour le bâtiment).

Dans le contexte urbain, la multiplicité des acteurs (politiques, administratifs, associatifs, économiques), l’expression de besoins et des fonctions souvent contradictoires, et les contraintes variées qui structurent le cadre d’action (écologique, faisabilité économique, rentabilité foncière, mobilité) construisent des systèmes au comportement lu comme complexe, ne facilitant le plus souvent ni la prise de décision, ni les stratégies de projet. La ville se construit et évolue par l’action multiple et en apparence dispersée de nombreux agents et acteurs, en interaction avec leur environnement naturel, apparaissant tantôt comme un système auto-organisé doté de lois de morphogenèse et de règles de comportement souvent inconnues ou mal connues, tantôt comme chaotique.

Que peut-on prédire de la ville de demain ? Comment mieux gérer son évolution, prendre des décisions ajustées ? Comment réduire l’émiettement des banlieues ? La compréhension de cette « complex-cité » représente un enjeu scientifique fondamental répondant à de nombreux besoins d’organismes et d’acteurs impliqués dans l’étude et le développement de villes durables (planification, aménagement, transport, stratégies urbaines). Elle ne peut se faire que par la modélisation et la simulation. Ainsi, l’ambition du MAP est de contribuer à l’élaboration de modèles aidant à la compréhension de ces systèmes, et de mettre au point des simulations aptes à assister le médiateur, le projeteur ou le décideur dans les phases d’analyse, de restitution, de représentation, de médiation, et de prise de décision.

L’étude des écosystèmes biologiques aide à mieux comprendre les caractéristiques d’organicité des objets urbains, notamment la dynamique d’auto-organisation couplée à des mécanismes de régulation de type top-down. Par exemple, les urbanistes décideurs peuvent impulser l’image de la ville et sa forme globale (ou celle de certains quartiers), mais ce qui se passe au niveau local dépend majoritairement des interactions entre de très nombreux agents et acteurs. Cette dynamique émergentiste (bottom-up / top-down) – caractéristique des systèmes complexes – devrait être de plus en plus intégrée dans la planification urbaine, particulièrement dans les agences d’urbanisme des grandes villes, qui manquent le plus souvent de spécialistes et d’outils pour aborder la complexité.

Concernant les moyens mis en oeuvre, on propose pour la période 2012-2015 de

    • s’appuyer sur l’Institut des Systèmes Complexes de Lyon (IXXI), pôle d’expertise national ;
    • créer au sein de l’Institut des Mondes Urbains (futur laboratoire d’excellence du PRES de Lyon) un groupe de travail réunissant des chercheurs et des acteurs investis dans la gestion et l’aménagement complexe de la ville ;
    • encadrer une thèse de doctorat autour de ces questions ;
    • ne privilégier ni les structures (réseaux, formes urbaines et architecturales), ni les fonctions, mais travailler à une modélisation de processus qui traite ces deux types d’éléments en constante interaction ;
    • utiliser les plateformes de développement multi-agents REPAST-Simphony et UrbanSim, couplées à un système d’informations géographiques pour modéliser et simuler le fonctionnement de composantes urbaines ou la dynamique de projets. Les agents qui composent l’espace urbain seront : les bâtiments, les fonctions dans les bâtiments (logement, commerce, école, usine, etc.), les programmes, les quartiers, les routes, les divers réseaux, les habitants, les véhicules, ou encore des composants solveurs de problèmes à une échelle donnée (processus). Tous ces agents sont réactifs, coopérant et co-évoluent dans le système les uns avec les autres. De cette dynamique peuvent émerger des solutions stables et pertinentes pour des questions concernant l’urbanisme, l’architecture et l’aménagement durables.

Appropriation des outils numériques et activités cognitives des architectes. La conception architecturale assistée par ordinateur fait l’objet d’une interrogation du point de vue de ses mécanismes cognitifs. L’usage de l’ordinateur dans les agences induit des pratiques architecturales spécifiques. Cet ou ces usage(s) sera(ont) interroger et d’expliciter en vue d’éclairer leurs implications sur l’activité cognitive de la conception architecturale. Une connaissance des activités cognitives impliquées dans la conception architecturale dite assistée par ordinateur et, des opérations cognitives en jeu, permet tant de construire un savoir sur l’assistance informatique que d’en imaginer de futurs développements. Dans ce cadre, la conception architecturale assistée par ordinateur sera interrogée sous l’angle de la « pensée complexe » (Le Moigne, H. Simon, E. Morin)4 et nourrie par des observations et l’analyse de cas d’architecture faits par ordinateur. Ce travail permet, par exemple, de saisir et/ou de renouveler des questionnements sur le ou les style(s) en architecture ou plus précisément d’interroger la possibilité d’une construction numérique d’un style architectural. Il inclut également une interrogation de la modélisation paramétrique pour l’architecture. Il s’agit d’interroger les appropriations et usages des systèmes de la modélisation paramétrique en vue de construire une connaissance de leurs places et rôles au sein du processus de la conception architecturale. La question soulevée porte sur les possibilités pour la modélisation paramétrique d’assister les opérations cognitives de la conception architecturale.

Activités collectives de la conception à la réalisation
Jean-Claude Bignon (MAP-Crai), Gilles Duchanois (MAP-Crai), François Guéna (Maacc), Gilles Halin (MAP-Crai), Philippe Marin (MAP-Aria)

Processus, modèles et outils dans le continuum numérique. Au delà de la question des vocabulaires architecturaux, « l’architecture non-standard » et le « nouveau structuralisme »5 ont introduit depuis quelques années une rupture dans les processus de réalisation. Dans ces approches, l’individualisation des formes comme celle des composants physiques grâce aux modeleurs paramétriques et aux machines à commandes numériques déstabilisent les pratiques fondées sur la composition par éléments standardisés. On peut donc observer une remise en question des découpages communs entre architecture et fabrication. La conception architecturale s’établit en prenant appui sur les variations possibles des produits tandis que la forme, les dimensions et la composition précises des composants naissent de la forme architecturale.

Forme, structure, enveloppe, détail, fabrication, mise en oeuvre forment un réseau indivisible. Tout changement de l’un des composants du réseau modifie les autres et si l’architecture courante s’est attachée à isoler chacun des concepts, les nouvelles approches s’évertuent à les relier. Ces courants induisent par ailleurs un renouveau des savoirs et des savoir-faire des acteurs avec des déplacements dans les frontières des compétences établies en particulier entre architecture et ingénierie. En mettant en avant la nécessité d’approches holistiques, ils redonnent vigueur à l’idée de croisement des compétences, énoncée, mais avec peu d’effet, par l’ingénierie collaborative.

Ce vaste domaine qui mêle ainsi les recherches en géométrie comme celles menées en informatique et celles conduites en ingénierie fait aujourd’hui l’objet de nombreux travaux. On pourrait citer des travaux aussi différents que ceux portant sur les structures géodésiques, ceux relatifs à la conception paramétrique des assemblages ou encore ceux plus géométriques de Schiftner 8. Tous ces travaux attestent de la forte actualité des questions posées et de la pertinence à les étudier. L’enseignement s’empare également de ces enjeux en expérimentant de nouvelles approches pédagogiques. Le programme européen « Continuum » en est une bonne illustration qui prend appui sur la fluidité de l’octet pour enseigner le chemin qui va de l’idée à sa matérialisation. Cette démarche pédagogique apparait ainsi comme une réponse possible aux questions récurrentes de l’intégration de la construction dans la conception. Aujourd’hui l’idée d’un continuum numérique de données, s’accompagne de celle d’un modèle sémantique partagé et d’outils paramétriques adaptés. Les questions posées sont nombreuses et restent largement à développer.

Modèles et visualisation de l’activité collective. Toute activité collective génère une information très variée et en quantité importante. Cette information produite durant l’activité caractérise le contexte de l’activité. La compréhension de ce contexte par chacun des acteurs est un des facteurs essentiels à la réussite de l’activité. La médiatisation de ce contexte dans un outil informatique nécessite de se poser la question de sa représentation en terme de données (modèle), mais aussi en terme de visualisation dans une interface homme-machine. L’activité collective de conception/construction architecturale est une activité collective qui possède un fort particularisme. En effet, le secteur d’activité de l’Architecture, de l’Ingénierie et de la Construction regroupe des acteurs qui sont impliqués dans des actions spécifiques tout au long du cycle de vie du bâtiment (montage de l’opération, conception, construction, réception de l’ouvrage, exploitation et même démolition). Dans les activités collectives de conception et de construction de bâtiments, les réseaux d’acteurs impliqués ont un caractère éphémère, il est donc difficile pour eux de créer des relations durables11. Chaque acteur utilise des outils qui sont adaptés aux tâches qu’il doit réaliser, mais aussi à ses compétences ou encore à sa formation. Si un projet de conception/réalisation est unique et partagé, les vues de ce projet que les acteurs manipulent à travers leurs outils sont très différentes.

L’objectif de ce thème est la définition d’un ensemble de modèles (approche IDM) guidant la mise en oeuvre de vues adaptables et interactives dans un collecticiel orienté services, afin d’offrir à chacun des acteurs d’un projet la possibilité de personnaliser son interface de navigation dans les données partagées du contexte collectif.

La définition de ces modèles s’appuie sur un premier méta-modèle, issu de nos précédents travaux, définissant les concepts et relations présents dans la caractérisation d’un contexte collectif. L’utilisation de ces modèles permettra aux concepteurs de ce collecticiel métier orienté services de concevoir les services de visualisation (vues + services métiers) adaptables à chacun des acteurs de la coopération (planning, 2D, 3D, 4D, Tableau de bord, visualisation relationnelle, etc).

L’approche que nous avons choisie repose sur une méthode guidée par les usages, elle consiste à identifier et à caractériser à l’aide d’un premier modèle les pratiques collaboratives et individuelles des acteurs de la conception/construction dans le cadre d’un projet architectural. Puis à partir de ces pratiques, il s’agit d’identifier et de décrire, à l’aide d’un second modèle, un ensemble d’usages des différents services que peuvent proposer les collecticiels métiers. Enfin, l’étude des modes de visualisation métiers classiques ou alternatifs guidera la définition d’un troisième modèle répertoriant les propriétés utiles dans la caractérisation des vues métiers. L’association et la mise en correspondance de ces trois modèles (pratiques, usages, et vues) constituent le coeur de la méthode d’identification et de conception de services de visualisation adaptables que nous souhaitons définir.

Cette recherche est réalisée en collaboration avec le Centre de Recherche Public Henri Tudor du Luxembourg et Fond National de Recherche Luxembourgeois. Sur un thème semblable certains membres du laboratoire mènent un projet de recherche qui a débuté en décembre 2008 et est financé par l’ANR (Programme de recherche Création, Acteurs, Objets, Contexte – Décision n° ANR-08-CREA-030-02). Ce projet dont l’objet consiste à interroger la conception architecturale collaborative implique également le LIMSI (université D’Orsay) et le Lucid Group de l’ULG (université de Liège).

L’activité de conception collaborative à distance et en présence en architecture y est observée et décryptée en termes d’opérations cognitives de conception collaborative. L’objectif de ce travail est de spécifier les fonctionnalités de dispositifs matériels et logiciels qui seraient susceptibles d’assister les activités de conception collaborative. Il s’appuie sur des expériences de conception réalisées avec un dispositif développé par l’université de Liège : le Studio Digital Collaboratif (SDC). Ce dispositif permet de réunir des concepteurs de sites distants.

La conception collaborative est par ailleurs un des paradigmes possibles de fonctionnement d’agences d’architecture. C’est, semble-t-il, le cas d’une grande agence Parisienne qui a commandité à l’équipe MAACC un audit sur leurs pratiques en vue de définir les spécifications d’un nouvel outil informatique de collaboration, propre à ses mécanismes d’échange.

Approches environnementales du projet : simulation, évaluation et réalisation du projet
Jean-Claude Bignon (MAP-Crai), Didier Bur (MAP-Crai), Gilles Halin (MAP-Crai), Pascal Humbert (MAP-Crai)

La problématique du développement durable et plus précisément la question environnementale apparaissent aujourd’hui comme des enjeux clefs pour le bâtiment en général et l’architecture en particulier. Afin de structurer les démarches environnementales et les objectifs à atteindre, différentes méthodes de certifications ou labels existent au niveau européen et mondial (HQE, Minergie, Passiv Haus, Breeam…). De même, différents outils commencent à être utilisés pour évaluer le comportement environnemental des bâtiments (Pleiade, Escale, Equer, Dialux, Ecodesign, Casbee, Nabers, etc.). Enfin, différents travaux de recherche en cours tentent de définir des approches de l’eco-conception qui soient en correspondance avec les particularités des pratiques architecturales (problèmes mal définis, approche non linéaire, etc). Pourtant, plusieurs difficultés restent à ce jour mal résolues

  • Premièrement, les critères d’appréciation sont peu adaptés aux phases amont de la conception. Ils font appelle plus souvent à des données quantitatives trop précises qui supposent que l’édifice soit déjà conçu ou qu’il ait fait l’objet d’un suivi avec des mesures ce qui est rarement le cas pour des raisons économiques. Une précision excessive peut également conduire à une véritable désorientation créative. La focalisation extrême peut en effet bloquer les déplacements conceptuels indispensables en phase de conception. Les fiches FDES sont un exemple de source informative précise qui reste peu opérationnelle pour les concepteurs.
  • Deuxièmement, tous les critères de qualité ne sont pas aisément quantifiables. Par exemple, si les critères relevants de la physique du bâtiment (thermique, lumière, énergie consommée, etc.) sont facilement mesurables, les critères spatiaux (intégration au site, qualité visuelle, orientation, etc.) ou ceux relatifs à la santé le sont beaucoup moins
  • Troisièmement, les différentes méthodes d’appréhension et d’utilisation de ces critères ne prennent en compte qu’un nombre limité de facteurs de contexte et restent peu ou pas adaptables à la situation propre de chaque projet. Ainsi, des critères comme la lumière ou la ventilation n’ont pas la même importance selon que l’on habite dans le nord de l’Europe ou dans le Sud. L’effort qui doit être fait dans le domaine du traitement acoustique des locaux ne se pose pas avec la même acuité en zone urbaine bruyante et en milieu rural. La taille de l’opération et le type de programme influent également sur les réponses possibles aux exigences environnementales. Et ce n’est pas seulement la valeur du critère qui intervient, mais sa pertinence même.

Ces trois difficultés ont de toute évidence plusieurs effets. Elles ne favorisent pas l’émergence de solutions architecturales performantes, car, les critères architecturaux (positionnement, volumétrie, etc.) qui interviennent à l’amont du projet sont rarement évalués d’un point de vue environnemental et donc valorisés. Elles privilégient des bâtiments dont l’exemplarité repose d’abord sur des solutions techniques dont les performances sont aisément vérifiables. Paradoxalement, cette situation conduit à une banalisation de la production puisque les enjeux finissent par se restreindre au choix du, ou des bons produits. Enfin, elles ne permettent pas suffisamment de reconnaître la qualité particulière de chaque projet faute d’une prise en compte détaillée du contexte environnemental d’édification.

Les travaux de recherches envisagés dans cet axe visent donc à proposer des méthodes et outils d’aide à la conception architecturale qui permettent de simuler les différents processus (approches par la lumière, la thermique, etc.) mais aussi d’évaluer plus globalement les performances environnementales des projets. Les approches heuristiques par les « références » ou les « patterns » seront également abordées. Les méthodes génératives de type évolutionnaire pourront enfin trouver un terrain d’expérimentation intéressant.

Le domaine de l’éclairage naturel constitue un des facteurs intervenant dans cette démarche environnementale où les concepteurs, architectes et ingénieurs, peuvent exploiter les différentes ressources naturelles afin de produire des bâtiments à faible consommation énergétique. De ce fait, l’intégration de la composante lumineuse et ses répercussions énergétiques dès les premières esquisses du projet doit conduire le concepteur à la génération de solutions architecturales écologiques.

Actuellement, l’étude de ce domaine se limite à l’utilisation des connaissances physiques et techniques ainsi qu’à des outils de simulation pour des opérations de vérifications ou de validations réalisées dans les dernières phases de conception.

Les ambiances lumineuses, tant en éclairage naturel (rapports qu’entretiennent lumière, espace et énergie) qu’artificiel (mise en valeur nocturne du bâti patrimonial par exemple), se trouvent ici envisagés comme objets d’étude, supports à l’élaboration de méthodes et d’outils de simulation qui, s’ils se sont multipliés au cours des dernières années, ne nous semblent pas répondre aux véritables besoins des concepteurs, surtout dès le stade initial de la conception.

Nous proposons d’élargir ce champ de recherche pour intégrer l’aspect énergétique dès les premières phases de conception. L’objectif est de définir une méthode (proposant un nouvel outil ou intégrant un ensemble d’outils déjà existants) destinée à traduire les idées du concepteur en solutions architecturales concrètes (répondant à une fonction spatiale) et présentant plusieurs typologies d’ambiances lumineuses en relation avec les potentialités énergétiques qu’elles peuvent offrir. Cette méthode donnera l’occasion de repenser la lumière naturelle et les gains énergétiques associés, de les replacer à une étape fondatrice du projet, participant ainsi à la mise en place d’une réflexion écologique et environnementale très en amont de la conception architecturale.